le nez dans le printemps #1

le nez dans le printemps #1

tsumori chisato - collection haute couture - printemps/été 2010

photo Vogue

Comme je vous le disais précédemment, s'il y a bien un moment jubilatoire dans l'année d'une styliste, c'est le jour où, la collection d'hiver passée, elle ouvre son carnet de croquis sur une nouvelle page, bien blanche, et s'offre le luxe de plonger dans les défilés haute couture du printemps à venir. Allez, soyons fous, de l'été à venir. La styliste est atteinte régulièrement d'une saine schizophrénie qui lui fait enlever (virtuellement s'entend) ses pulls, écharpes, bonnets, pour dessiner une tenue fraîche et aérienne.

Et cette année, disons-le, la projection est virtigineuse : bon nombre de pièces virevoltantes, éphémères, voire quasi déjà envolées... évidemment il y a les jupes et les shorts taillés dans les chutes -ça c'est une métaphore pour dire que c'est trop coooourt... mama mia-, les importables de transparence, mais artistiquement c'est beau, et devant du beau, on a le droit de rêver.

On a le droit de rêver ? Oui. Alors allons-y, rêvons.

Je me suis dit que j'allais vous concocter une petite chronique pour vous faire attendre des jours plus cléments avec moi, parce que je trouve que ce n'est pas drôle d'être toute seule "le nez dans le printemps", dans mon atelier.

D'abord mon coup de coeur du premier regard, cette petite tenue de Tsumori Chisato, une créatrice japonaise qui, comme tous les japonais, sait allier d'une façon époustouflante le perfectionnisme de la technique à une précision du projet initial, du premier souffle crayonné. Si certaines tenues sont un peu trop savantes pour moi (le défaut de la qualité des japonais, un léger too much quand ils louchent un peu trop sur les modes occidentales), celle que je vous présente ici a tout pour me plaire : enfantine, poétique, résolument féminine pourtant, sans équivoque possible. Graphique et simple, très douce, mais bien décidée, sans compromis.

Tout ce qu'elle évoque m'inspire, souterrainement. C'est ce que j'aime dans la haute couture, lorsque vous trouvez une serrure et que vous avez la clé, alors c'est tout un voyage intérieur dans un bout de tissu. Je me mets parfois à dessiner, mais pas toujours, quelque fois je reste seulement là, à la fenêtre, à regarder dehors. Le temps que tout cela descende en moi comme sédiments, dans le lit de ma rivière à moi.

Une douce appropriation, en quelque sorte, celle que j'aime vous voir opérer avec nos patrons.